Le Mer 25 Mai 2005 00:05, Michel Maria-Sube a écrit :
Michel,
comme tu m'es sympathique, je me retiens vraiment d'adopter un ton un peu plus
musclé en te répondant. Mais crois-moi, un message sur une liste de diffusion
n'est pas aussi anodin qu'une conversation au coin du zinc, et j'estime
que
lorsqu'on prend la parole en public (ce qui est bien le cas à mon sens), on se
doit de bien prendre le temps de la réflexion et de vérifier autant que
possible qu'on ne passe pas à côté de choses élémentaires dans ses
affirmations, car sur tous les sujets on peut, sans le vouloir, blesser des
gens ou simplement passer pour moins intelligent qu'on n'est en réalité.
C'est
ainsi, par exemple, que j'ai rédigé cette réponse et que je l'ai laissée en
brouillon plusieurs heures avant d'y revenir à tête froide et reposée avant
d'y apporter les corrections finales et de l'envoyer. Ça n'empêchera
peut-être
pas des erreurs d'y subsister, mais ça limite et c'est une marque de respect
pour les gens qui vont le lire...
Une remarque liminaire : le message d'origine de Serge Marelli respecte la
netiquette, car il nous signale un document qui nous intéresse ô combien,
puisque s'il parle du projet de traité, c'est sous l'angle des brevets
logiciels ; et il est rédigé par quelqu'un dont la réputation chez les
partisans du Libre est bien établie.
Ton commentaire est un peu plus limite, parce qu'il entame une discussion qui
n'a, je pense, pas sa place sur cette liste. Il aurait été plus correct de
diriger brièvement et de façon neutre les gens intéressés par une telle
discussion vers tout autre forum approprié (blog, site web, autre liste de
diffusion, rendez-vous au café ou à la pizzeria du coin...). Et je n'ai rédigé
cette réponse qu'après avoir réfléchi que certains m'accuseront de ne pas
respecter ce même principe. Je prends le risque, en demandant aux suivants de
ne pas m'imiter...
- lorsqu'il déplore la longueur du texte: 448
articles, ca fait beaucoup en effet mais à peu près la
moitié de ces articles concernent des aspects
protocolaires sur le fonctionnement des institutions
et peuvent être ignorés; en plus je ne vois pas en
quoi le texte est rédigé de manière 'peu limpide', ca
me parait au contraire parfaitement clair, rien à voir
avec le traité de Maastricht qui était rédige dans un
language de juristes complètement abscon
Je me permets de te suggérer de lire quelques-uns des nombreux commentaires
de gens dont c'est le métier (professeurs de droit, juristes, docteurs en
sciences politiques,...) et qui nous disent le contraire, ***preuves directes
à l'appui***. Leurs arguments sont, bien entendu, discutables, comme tout
argument ; mais avant de se faire une opinion de bonne foi, le moins qu'on
puisse faire est d'écouter les arguments des gens qui ne sont pas d'accord
avec ce qu'on a envie de croire. Sans donc entrer dans le vif du débat : ils
mettent en évidence que ce texte est bourré de problèmes d'interprétation, et
il suffit pour s'en convaincre de constater que les politiciens qui en
débattent ne sont précisément pas d'accord sur sa signification. J'arrête ici,
j'aurais beaucoup plus à dire, mais je te renvoie vers les sites web
appropriés.
- l'auteur compare avec les constitutions
d'autres
pays mais tu peux pas comparer avec la constitution
des Etats-Unis en 1787, un pays ou les gens vivaient
encore à l'age de pierre, il n'y avait encore aucune
infrastructure, ni droit social etc...
Précisément, non, à mon sens. D'abord, l'âge de pierre, tu pousses un peu ; et
le problème des querelles de pouvoir, de la démocratie, etc., que l'on se
batte pour le cuissot de mammouth ou contre le parapluie nucléaire, ça
concerne les gens depuis toujours, comme l'enseigne l'étude de l'Histoire.
Les
Grecs et les Romains, pour ne considérer qu'eux, ont infiniment réfléchi à ces
problèmes, et par exemple la pensée d'Aristote à ce sujet garde une actualité
entière. Sans parler de Montesquieu, bien entendu, dont la pensée a inspiré la
Constitution américaine, entre bien d'autres. et le problème, essentiel, aigu,
critique de la séparation et de l'équilibre des pouvoirs qu'il a
magistralement mis en évidence, est en jeu dans le projet de traité qui nous
est soumis.
D'autre part, que je sache, les États-Unis ne vivent plus à l'âge de pierre
(ça peut se discuter :)) et leur Constitution a l'air de tenir le coup, sans
avoir été amendée au point de ressembler au pavé qu'on nous présente en
Europe...
- l'auteur s'offusque de ce que le Parlement
europeen
n'a pas le droit de proposer des lois; à ma
connaissance, dans tous les pays, le role d'un
parlement est de voter les lois (ou les refuser) non
de les proposer.
J'aurais voulu éviter d'avoir l'air du prof qui corrige un élève, mais
vraiment tu ne me laisses pas le choix. Au moins j'évite l'ironie facile, en
disant simplement : renseigne-toi, c'est totalement faux. Et comprends que si
seul l'exécutif peut proposer des lois, alors il ne propose que celles qui
lui plaisent, et si elles sont rejetées, il revient à la charge en douce, à
travers des formulations de plus en plus absconses (ça ne te rappelle rien ?
Relis plus haut ; et relis Di Cosmo, c'est justement ce qui se passe dans
l'affaire des brevets logiciels) ; et il finit par avoir le corps législatif à
l'usure. Bref, un corps législatif qui ne peut proposer des lois, c'est
l'équilibre des pouvoirs qui est supprimé.
Au fait : aux États-Unis, le corps législatif (Sénat et Chambre des
Représentants) a le ***monopole*** de l'initiative des lois. Par exemple.
Et en France, le fait que l'Assemblée utilise très peu son pouvoir
d'initiative des lois n'est pas quelques chose, à mon sens, dont les Français
aient lieu d'être fiers.
D'ailleurs concernant le rôle du Parlement, il
faut
voir que cette Constitution lui donne plus de pouvoir
qu'il n'en a actuellement.
C'est probablement vrai, mais en quoi est-ce un argument positif ? Condamné,
vous deviez être brûlé à petit feu, et finalement on va seulement vous hacher
menu, vous souffrirez moins. Et il faut dire merci ? Ce que je veux, ce n'est
pas une solution un peu moins mauvaise qu'actuellement, c'est, tout
simplement, une bonne solution ! Et c'est d'autant plus facile que, chic
alors, elle est simple, bien connue et pas chère : encore une fois, relire ce
bon vieux Charles-Louis de Secondat, baron de la Brède et de Montesquieu...
Et puis il faut un peu réfléchir à la suite en
supposant qu'un pays décide de voter non (je pense à
la France evidemment), qu'est ce qui pourrait se
passer? voir le lien:
http://www.lesechos.fr/journal20050524/lec1_idees/4269009.htm
Je pourrais simplement répondre que cet article, disons ce pamphlet, est si
violemment injurieux, excessif et partisan que son auteur se discrédite de
lui-même. Mais je ne le ferai pas :-))) Disons qu'il est discutable...
Enfin ceux qui votent non, en France du moins, iront
rejoindre le camp de personnes comme LePen, Pasqua,
deVilliers ou le Parti communiste...comme democrates
on fait mieux...pour ma part je pense qu'il est
preferable de voter oui que voter non...meme si cette
constitution est loin de me satisfaire pleinement
Finalement, je cède à l'ironie facile : Le Pen est contre le chômage, donc
pour ne pas passer pour un affreux facho, je dois être pour ?... Redevenons
sérieux : tu n'as pas un peu l'impression d'être un peu beaucoup insultant
pour beaucoup de monde, là ? Est-ce que je t'accuse d'être un nazi parce que
Hitler était, comme toi, j'en suis sûr, contre le chômage ? Autrement dit :
le fait qu'il y ait de mauvaises raisons de voter non prouve-t-il qu'il
n'y
en ait pas de bonnes ?
Allez, je passe à la conclusion (parce que pour te répondre d'une façon un peu
moins sommaire, il faudrait que Thierry monte un plus gros disque dur sur le
serveur) : figure-toi qu'en plus, rien de ce que je viens de dire ne te permet
de croire que je vais voter non (ni oui, d'ailleurs) ; simplement, quelle que
soit la cause à défendre, je ne crois pas avoir le droit d'employer des
arguments faux ou malhonnêtes.
Sans rancune, et à bientôt
--
Alain LOUGE
« Une chose n'est pas obligatoirement bonne parce qu'un homme meurt pour elle »
--- Oscar Wilde